mercredi 13 juin 2012

Un monde sans.... n°16

Un monde sans politique

Quand s'ouvre - indépendamment de nous, selon toute vraisemblance - ces boîtes de Pandore que sont les différents médias, sort cette incontournable ritournelle: "Je sais ce que pense les français. Et ils ont bien raison!". Il y a en France, comme le dirait un perse, de véritables magiciens.
Ceux-ci savent tout: chiffres, conditions de vie, avenir, marque du caleçon d'Allah, mensurations exactes du ventre de Bouddha, antidépresseur de Yahvé et degré de bienveillance de Dieu. Ces hommes ne sont pas des hommes: ce sont des dieux. Imagine-t-on un monde sans dieux? Des dieux, ou pour être plus exact, d'habiles illusionnistes. Car d'aucuns sait que tout tour de magie a un truc. Et nous, public d'adultes, sommes ravis par ce spectacle de Guignol plus vraiment de notre âge.... Il se substitue à cette impression perdue du XIXème siècle que l'on vit l'Histoire. Chaque élection, aux dires de nos alcandres, sont des "moments historiques". Comme tous mes combambins, je m'enflamme, je m'enrage ou j'exulte devant ces marionnettes dérisoires qui se tapent dessus - non à coups de bâton - mais à saillies de de railleries infantiles.

Et soudain, retournant au doux port du Parnasse, où je m'entretient avec l'ami Denis et l'ami Jacques, je prends conscience de la simplicité et de la vacuité de ce théâtre aux héros non consumables malgré leurs lacunes: Le Pen a changé de sexe, Marchais s'est essoufflé en un Noir-Petit, Mitterand a rapetissé et prit autant de ventre que de ridicule. Au royaume de l'UMPie, les corbeaux se disputent la charogne du vieux lion; Et l'unique maraud du désert des centristes...
Lorsqu'on entend Coluche annoncer l'accession au pouvoir d'un socialiste en 2012, on donne raison à Jacques: cela était écrit là-haut, sur le grand rouleau...de la presse et de la science politique. Le fatalisme est tel que celui d'entre nous qui dit: "Moi?Je n'irai pas voté!" finit, enveloppe à la main, dans l'isoloir et devant les urnes.

 C'est alors que Denis me posa cette question, s'étranglant dans un rire, Jacques sifflant: "Et que feriez-vous, jeune sot, dans un monde sans politique?". Sots que nous sommes, que ferions-nous?

Un monde sans politique, c'est un monde sans détours. Tous ses chemins seraient droits, longs, monotones. Certes, on saurait où l'on va mais comme le dit de Picasso: "si l'on sait où l'on va, à quoi sert d'y aller?". Les routes sinueuses, hors des chemins battus, sont bien plus dangereuses mais plaisent ô combien plus!
Sans détours de langage. Sans ces termes imbéciles dont se rit Kavanagh: "plus de malentendants, plus de forte corpulence, plus techniciens de surface, plus d'hommes de couleur, d'hommes à l'aise avec leur  sexualité, plus la peur de choquer dès qu'on ouvre la bouche. Un monde où Bénabar se tait, ne sachant plus que dire. Mais c'est aussi un monde sans nuances, sans  messages cryptés, sans jeu de non-dit.

Un monde sans politique, c'est un monde sans foot. Pas d'équipes, pas de supporters, pas de rencontres, peu de passions. Sans débats animés... mon dieu, serait-ce déjà le cas? Ouf! Les extrêmes sont là: le show can go on.

Un monde sans politique, c'est un monde d'abstentionnistes: un monde sans espoirs, fondés ou non, figé dans une résignation morne, digne des plus sombres romans d'initiation. C'est un monde sans bistrots, puisque c'est là qu'on parle politique. C'est un monde sans lieux de pouvoir, puisque c'est là qu'on la fait. Un monde où les poignées de mains sont toutes significatives, où l'amitié a encore toujours un sens, un monde où les événements du quotidien ne sont pas surfaits et parfois factices.

C'est un monde où le phénix de Clèves serait resté en cendres. Un monde où Jeanne D'Arc ne serait qu'une héroïne d'épopée. Un monde où l'on ne représente Molière qu'à la Comédie Française. Un monde où nul ne s'intéresserait à l'Histoire contemporaine. Un monde ennuyeux, sans intrigues ni cabales, sans obséquieux ni flatteurs.

Un monde moins fatiguant. Un monde où la tête se fait plus légère. Un monde où la philosophie n'est pas myope, fixée sur le social, mais clairvoyante, méditant aux essentiels de l'existence.

Ce monde existe: c'est une île déserte!



 
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